Chroniques!
Donc CALAVERA fait toujours du hip-hop d'urgentiste et voilà le dernier opus en date. Le CD est contenu dans un carton rouge plié pour former qu'une boîte mais le principal reste toujours ce que l'on entend dans les enceintes une fois après exercer une pression sur la touche avec un triangle dessus. La couleur est bien annoncée par l'intro, difficile de faire plus efficace et plus concis. Déjà au niveau des instrus il y a des énormes progrès, ça fait tout de suite un effet moins superficiel, d'autant plus que par moments on peut entendre des chants traditionnels ce qui est de meilleur goût que des samples de musique classique. Les textes se font plus sombres également, pour ceux et celles qui ont suivi pas la peine de préciser que le titre de cet album répond au précédent 45t qui avait une face spleen et une autre idéale. De même je soupçonne le morceau " épaule cassée" de répondant au titre " le poing fermé revendiquera / épaule solide". Je partage ce constat mais à certains moments où je me demande où il veut en venir, vous êtes assez grands pour vous faire votre idée en écoutant ! Le morceau " j'observe" correspond bien à cet état d'esprit, en tout cas je trouve bien réaliste, tout dépend de chacun et du moment d'écoute. Vraiment là, l'ambiance est bien foutue, s'est tendu, à vif essais reste intimiste. On note la présence de featuring, un skeud de rap ne serait pas ce qu'il est sans invités, PILOOPHAZ, NERGAL, TRAUMA et une petite chorale improvisée sur un titre. Nombreux après ce que je viens de dire seront tentés de réserver ses disques pour les jours de pluie mais cependant le côté revendicatif de la chose n'a pas été gommé, loin de la même !
[NEVER KNOW # 0]
Pour un vrai premier album de CALAVERA, le moins qu'on puisse dire c'est qu'il est réussi. Sur ce CD digipack (fait maison parles en à Romain et Mina combien temps ça a pris pour le mettre ensemble) on a 15 titres de Hip Hop conscient qui suit la lignée de leur dernier 5 titres sorti en 2005 intitulé "Briser Les Citadelles" au niveau du son et des textes. Le tout a bien pris en consistance depuis leur premier CDr 'L'Humanité Combat'. Ca transpire plus le véçu et une certaine maturité dans la maitrise de l'écriture et du son. Après avoir silloné la France de long en large et en travers, évoluant dans la scène punk DIY et le mouvement des squats depuis quelques années on peut dire que ceci est un témoinage de beaucoup de thèmes auxquelles on à tendances à s'identifier. Les textes évoquent entre autres, les problèmes des sans papiers, de l'uniformité de L'Europe, du monde sexiste dans lequel on vit, des frustrations et des envies d'un combat révolutionnaire sans tomber dans les slogans faciles ni dans des discours moralistes à deux balles, des problèmes de banlieues, de l'autogestion, l'antifascisme, des textes plus personnels et une envie d'en découdre avec notre système de merde. Les beats travaillés en grosse partie avec l'aide de TRAUMA et des featuring explosifs, avec encore TRAUMA, NERGAL et PILOOPHAZ rendent ce disque un peu plus éclectique et forts en couleurs. De vrais perles qui se laissent écouter et réécouter sans cesse. J'ai du mal à être super objectif mais je dirais que c'est un des meilleurs disque de Hip hop que j'ai pu écouter ces derniers années à côté de ceux de LA RUMEUR entre autres. Le tout est très soigneusement présenté avec trois mini poster dépliants avec les textes et quelques dessins sympatiques. Le tout reste aussi un belle co production entre 6 labels de Punk DIY francophones. Ca fait plaisir de voir autant de gens se regrouper autour de quelque chose d'autre musicalement parlant que le punk classique, ce qui prouve un tant soit peu qu'on est vraiment là pour un message et une démarche et pas qu'un seul style de musique. Avis aux amateurs. (F)
[http://apfdiy.free.fr]
Qu’est-ce que renferme ce petit
digipack en carton rouge fait maison ? Une petite bombe hip-hop, tout
simplement. Déjà ce qu’il avait sorti avant m’avait plus ou moins bien plu,
mais sur ce coup-là CALAVERA a encore bien progressé. Moins malsain et haineux
qu’auparavant, plus sombre, désespéré et désillusionné, le rappeur anarchiste
nous fait voyager à travers une quinzaine de titres dans les méandres de son
esprit, nous fait partager ses angoisses et ses troubles, qu’ils soient
d’origine politique ou plus personnelle. Un rap certes neurasthénique, mais qui
s’appuie sur des instrumentations franchement pas mal (« Vision
Atone », « Spleen », « J’observe », et encore beaucoup
d’autres…). Mais si j’accroche vraiment bien à la plupart des instrus, c’est
quand même avant tout les textes qui me séduisent. CALAVERA fait ici preuve
d’un réel talent dans le maniement de la langue française, toute une gamme de
vocables est déclinée sur des thèmes intelligents et percutants, pour un rendu
très expressif, et réfléchi. Le seul petit bémol pourrait être son flow et son
intonation, un peu caricaturale, mais c’est pas un bémol assez important pour
m’empêcher de répéter que ce disque est une petite bombe.
[DIVERGENCE # 03]
Voilà près de deux ans que l'album de Calavera a vu le jour, quelques mois en moins qu'il est en ma possession. Et autant dire qu'il ne m'a presque jamais quitté. Inutile de le marteler mais il suffit de se référer à l'article précédent pour s'en rendre compte, Calavera m'a d'ors et déjà marqué à jamais et A travers spleen & mascarades continue de sonder le fond de ma pensée sur bien des points. Et peu importe si un soutien, aussi futile soit-il, apparaît si longtemps après la sortie du disque. Puisque le propos de Calavera détient cette magnifique portée universelle, intemporelle, hors du temps. Le temps, vous savez cette notion, cette convention, si bien élaborée par les tenants du pouvoir et concrétisée par une horloge et un calendrier. A suivre et à respecter pour ne pas sortir du rang. Force est de constater que ce temps qui s'écoule aussi impitoyablement donne raison aux flots d'idées dont nous abreuve si superbement Calavera.
Quelques titres composant cet album sont tirés de la période de la Discographie 2001-2005 (on retrouve le sublime appel à l'autonomie "Nous sommes" en fin de tracklist, réarrangé pour l'occasion) mais l'essentiel y est postérieur à 2005. C'est donc l'occasion de suivre le cheminement interne de son auteur principal, qui, sans voyeurisme aucun nous fait largement part de ses désillusions, qu'elles soient d'ordre politiques ("alors, je suis allé là où je croyais être mon camp, voir comment ils et elles vivaient ce présent [...] j'ai pas franchement envie de me battre ni avec ni pour ces gens, l'extrême-gauche a même des doctrines sur le sexe et pourrait te fliquer...") ou plus personnelles ("vu ce que je peux faire de ma vie, je ne peux être innocent à tout ça [...] effroi, car rien ne change, toujours le même constat d'échec, du barbelé dans les échanges comme quand on assassine les poètes." ou "on ne se défend plus pareil quand la dépression nous prend, rien ne sert de courir, rien ne peut se garantir [...] se corrompre ou se perdre sous les feux du mensonge"). Car Calavera nous laisse fébrile après les premières écoutes de la galette. On cherche les attaques frontales, les déflagrations des "Grenade incendiaire", "Feminista", "La relève", "Brigate rosse" et autres "Antifasciste" faisant si bien claquer les mots et les beats auparavant. Mais ce n'est pas dans cette voie qu'a été orienté cet album. Certes, "Comment ils font ?" (un poil trop linéaire, seul reproche à formuler face à soixante minutes de très haut vol) ou "J'observe" (excellent s'il en est) dissipent une énergie folle, tant textuelle que par les instrus insérés, sauf que le passage sous tranquillisants en apparence (et seulement en apparence !) de la forme révèle une évolution pleinement réussie, sur le fond. Petit à petit les couplets vampirisent l'esprit, deviennent des évidences, secondés par des instrus plus que léchées ("Sorti-e-s de l'ombre", "Vision atone", "La route, la fin, la mort, la haine, la vie, l'envie", "2004, dehors il pleut" pour ne citer qu'elles...). Tour à tour, Calavera libère l'amertume accumulée comme il le concède lui-même sur "Epaule cassée" ("chacun écrit son requiem avec plus ou moins de passion [...] je ne descend plus dans la rue pour me sentir exister, y'en a trop qui vont en manif' comme au supermarché [...] les gens sont réactionnaires et ne veulent pas de la liberté, t'as qu'à te dire révolutionnaire et ça les fera rigoler [...] tirer dessus, c'est ce qu'on t'apprends des boîtes de marketing à l'armée"), la suite de "Epaule solide - le poing fermé revendiquera" publié quelques années plus tôt ; défend ses idées ("pas apprivoisés, pas apprivoisables, vous aurez beau nous matraquer, vous n'aurez rien chez nous de rentable", "la paysannerie peut crever, productivisme est leur devise, tu sais, on va tout urbaniser, tout transformer en marchandise, couper les aides pour la recherche, on veut des moutons pas de matière grise, Europe du capital [...] UE qui veut de la main d'œuvre pas chère et de la casse sociale") ; flirte avec une poésie toute aussi réaliste que consciente de son époque ("Des hommes se relèvent des décombres de Jéricho jusqu'à Belgrade, le glaive s'évade, la rêve va avide, s'envole dans les dédales d'inusables pierres qui se dégradent" extrait de "Résonance de fin de monde - cynique utopie du désastre") ou fait carrément preuve d'états d'âmes, à fleur de peau, au bord de l'intimité, splendidement exposés ("inapte au bonheur sûrement, sentiment de néant persistant, il n'y a rien à construire ici mais tout détruire en hurlant"). Mais Calavera n'oublie toujours pas d'apostropher vigoureusement ceux qui le valent bien ("moi c'est sûr que je ne finirai pas en sale poseur sur un fond de ville américaine, non mes rêves ne sont pas les tiens, que tu sois petit bourge du centre de Lyon ou galérien prolétarien, quand l'endoctrinement fait feux, il n'y a peu de chance que ta classe ou ta race puisse agir en pare-feux, vu ton éduction religieuse ou républicaine puisque de toute façon aucune des deux ne répudie la haine") ou, contrairement, d'expliciter sa démarche ("loin de paillettes, loin du show-biz, des valeurs de la haute-bourgeoisie [...] tout est échange et le faire soi-même, sans sponsor, en totale autonomie, c'est dans la pulsion de la rencontre que, ma vie, je tente de dessiner").
Sorti en catimini (1000 exemplaires) il y a de nombreux mois, il ne doit pas rester une grande quantité d'exemplaires neufs de cet album (ou alors espionnez les revendeurs d'occasion), servi dans une splendide pochette en carton, accompagné de trois posters contenant les paroles (et dessins) et cédé contre une poignée d'euros. Aussi marginal soit-il, naviguant dans une fange des plus radicale, A travers spleen & mascarades est un album de rap lucide, d'une noirceur inouïe mais toujours combatif, le noir de la pochette prenant le pas sur sa rougeur. D'une intégrité sans faille Calavera distille ses pensées libertaires tout en recouvrant ce disque d'une personnalité forte. Et parvient à créer un lien magique entre introspection et ouverture sur le monde... Hors du commun et indispensable !
[www.w-fenec.org]